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Trois semaine après Jean-Francois Coux (ex CSBJ, joueur SU Agen, ancien international) , deux après Pierre Saby (joueur CSBJ), le troisième ligne centre argentin, membre du RC Toulon, Juan Martin Fernandez Lobbe a déclaré forfait pour la suite de la Coupe du monde,  les examens ayant révélé une rupture du ligament croisé antérieur. A quoi correspond cette pathologie si connue  et redoutée du monde sportif ? Le Dr David Dejour, chirurgien orthopédique, spécialiste du genou et du sport nous répond :

 

Cmslg : David, peux tu nous expliquer à quoi sert le ligament croisé antérieur :

Dr David Dejour :Le ligament croisé antérieur est véritablement le ligament du sport. Il fait parti de ce que l’on appel le « pivot central » du genou, constitué par le ligament croisé postérieur et le ligament croisé antérieur. Son rôle consiste à contrôler le déplacement antérieur du tibia par rapport au fémur il s’agit véritablement d’une corde solidarisant le fémur au tibia. Ce déplacement antérieur du tibia par rapport au fémur est aussi contrôlé par la présence des ménisques (amortisseurs du genou) situé à la partie interne et externe du genou. Ces ménisques jouent un rôle de « calle postérieure » qui permet de stabiliser le tibia en dessous du fémur.

 

Le ligament croisé antérieur joue essentiellement un rôle dans les actions de « changement de direction », « réception de saut », « rotation » il n’est donc pas nécessaire à la vie quotidienne dans les activités de marche, de descente des escaliers, vélo, natation, course à pied en ligne en revanche dès qu’il y aura un mouvement de haute énergie en changement de direction ou en pivot le maintien du tibia sous le fémur ne sera plus assuré et il se reproduira alors « une entorse ». C’est pour ces raisons qu’il n’est pas forcement nécessaire de réparer ce ligament croisé antérieur si ces activités ne sont pas pratiquées par le patient.

CMSLG : Comment se rompt le ligament croisé antérieur ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DD : Quatre mécanismes vont concourir à sa rupture. Il s’agit toujours d’une action combinée entre la contraction musculaire du quadriceps, muscle essentiel de la cuisse, qui met en tension ce ligament croisé antérieur cette dernière associée à un mouvement de torsion et/ou d’hyper extension va aller à la limite de la résistance élastique et plastique de ce ligament entrainant alors sa rupture brutale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Valgus rotation et flexion :C’est le mécanisme le plus fréquent de la rupture du ligament croisé antérieur on le retrouve dans les accidents de ski « faute de car » le ski part à l’opposé du corps en faisant une rotation et une flexion et la rupture du ligament croisé antérieur. C’est aussi le changement brutale de direction dans les sport comme le foot, rugby, basket… Très fréquemment sont associé à ce mécanisme une entorse du ligament collatéral médial (ligament latéral interne).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Varus rotation interne :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il s’agit d’une torsion sur soit même le pied en dedans. Le ligament croisé antérieur et le ligament croisé postérieur vont donc « s’enrouler », le ligament croisé antérieur étant moins résistant il cassera en premier. Il n’y a habituellement pas de lésion associée des ligaments périphériques.  Parfois même il entraine une symptomatologie relativement frustre, le sportif peut alors continuer à courir pour finir le match ou la piste de ski mais progressivement se feront sentir les effets secondaires de la lésion avec épanchement articulaire, douleurs et impotence fonctionnelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’hyper extension :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il s’agit typiquement du shoot dans le vide dans les activités de type ballon. La contraction du quadriceps entraine une hyper extension du genou mettant en tension maximale le ligament croisé antérieur et conduisant à sa rupture. On peut retrouver également ce mécanisme dans une réception de saut tel qu’en gymnastique lorsqu’il y a une hyper extension.

L’hyper flexion ou chute en arrière combinée à une contraction du quadriceps (chute  a culs) :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On retrouve  ce mécanisme chez les skieurs de haut niveau qui vont perdre l’équilibre et déporter leur corps en arrière, les fesses touchent les spatules puis le skieur pour se redresser contracte les quadriceps violement, il entraine une mise en tension rapide et brutale du ligament croisé antérieur ce qui peut conduire à une rupture isolée de ce ligament.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cmslg : Comment établit-on le diagnostic d’une rupture du ligament croisé antérieur :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DD : deux tests d’examen clinique permettent de faire le diagnostic de cette lésion :


Le Lachman test : plus communément appelé le tiroir, le médecin imprime un mouvement d’arrière en avant du tibia par rapport au fémur et lorsqu’il ne sent pas d’arrêt on peut qualifier ce test de Lachman mou signifiant que la corde (LCA) est cassée, l’examen est toujours fait de l’autre côté pour permettre au médecin et au patient de sentir la différence entre le genou lésé et le genou normal.

Le test en rotation appelé également pivot-shift, jerke test ou Test de H. DEJOUR : il consiste à reproduire lors de l’examen un mouvement de rotation et de translation reproduisant le mécanisme de l’entorse à vitesse lente le patient sent alors son genou se  déboiter, ce test fait véritablement le diagnostic et donne l’aspect l’aspect fonctionnel ou non du ligament croisé antérieur ou de ce qu’il en reste.

Il faut également vérifier l’ensemble du genou pour repérer les lésions associées

Des radiographies standards sont impératives dans la première approche du diagnostic : elles sont faites en urgence permettent d’éliminer une fracture associée, un arrachement du massif des épines tibiales.

L’IRM : Résonnance Magnétique Nucléaire elle va permettre de visualiser l’intérieur des structures du genou, ligament, ménisque, qualité osseuse. Lorsqu’il existe une rupture du ligament croisé antérieure celui-ci apparaît élargi en hyper signal (aspect blanc du ligament croisé antérieur) ce qui diffère de l’aspect habituel noir bien régulier et en tension régulière entre le tibia et le fémur.  L’IRM est intéressante également pour rechercher des lésions associées telles que des lésions des ménisques, des lésions des ligaments périphériques.

Radiographie dynamique : Elles sont réalisées avant une intervention. Elles vont permettre par l’application d’une force sur le tibia et sur le fémur de calculer et de mesurer d’une façon objective l’impotence du tiroir, c’est à dire de la translation du tibia par rapport au fémur. Elle quantifie l’importance de la laxité et peuvent orienter le chirurgien

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cmslg : comment se passe le traitement ? Doit on forcément se faire opérer ?

DD : Il n’est pas toujours nécessaire d’opérer une rupture du ligament croisé antérieur si la demande sportive n’est pas importante.

Les risques de ne pas opérer cette lésion peuvent être la répétition d’entorse ou l’inconfort que cela produit et donc l’impossibilité de la pratique sportive régulière. La répétition des entorses peut conduire à des lésions cartilagineuse puis des lésions méniscales entrainant un risque significatif d’arthrose à long terme.

Cmslg : Alors, pourquoi opérer ?

 

DD : On opère pour récupérer une fonction sportive plus que pour éviter une évolution arthrosique du genou. Le but de la chirurgie est de redonner au genou une stabilité c’est la raison pour laquelle la motivation du patient est primordiale pour l’étape chirurgicale mais aussi pour le bon déroulement de la phase de rééducation qui va suivre cette intervention. Cette rééducation est fondamentale, demandant un très fort investissement à la fois en temps et en volonté pour récupérer à la fois une fonction articulaire, une fonction musculaire puis enfin une fonction sportive.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CMSLG : Une fois la décision chirurgicale  prise, à quoi doit s’attendre le sportif ?

DD : L’intervention consiste à réaliser une greffe du ligament croisé antérieur (c’est à dire à remplacer le ligament rompu par un nouveau ligament prélevé sur le patient). Les étapes sont les mêmes quelque soit le type de chirurgie proposée.

L’hospitalisation dure 3 jours, l’anesthésie est souvent combinée avec une anesthésie locale dont l’effet est de plusieurs heures et permet d’éviter une anesthésie générale profonde et surtout les douleurs post opératoires immédiate et une courte anesthésie générale, l’intervention est d’une durée de 30 à 50 minutes.La marche est autorisée dès le lendemain de l’intervention en utilisant une paire de canne canadienne, l’appui du membre inférieur est autorisé  de façon partiel pendant 3 semaines puis total entre la 3ème et  la 6ème semaine.Aucune attelle n’est mise en place pour éviter la fonte musculaire et éviter l’enraidissement du genou.

L’arrêt de travail variant selon les professions de 1 mois 1/2  à 3 mois

Au 45ème jours jour Vélo –Natation, au 3ème mois Course à pied en ligne, au 6ème mois Reprise de tout sport de façon progressive …

 

Merci David pour ces explications tout autant claires que complètes.